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NOUVELLE MISE A JOUR LE 15 avril 2014

mercredi 31 mars 2010

LE 201e D’INFANTERIE EN CHAMPAGNE

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SAINT-HILAIRE-AU-TEMPLE. — LA CABANE. — LA CHEPPE.
PIÉMONT. — MAISONS-DE-CHAMPAGNE.
(Octobre 1916-Février 1917)

La déception est grande quand, embarqués pour Chantilly, nous arrivons, le 3 Octobre, à Saint-Hilaire-au-Temple. Ce n'est pas précisément ce que nous avons rêvé. Que se passe-t-il donc ? Est-ce là le repos ? Non, nous allons prendre le secteur et libérer une division qui, fraîche, ira aider les camarades dans la Somme. Et malgré le peu de charme que cela nous réserve et les tristes souvenirs que nous rappelle ce secteur de Souain nous allons nous y installer, à la Cabane, devant la fameuse ferme Navarin.
La relève se fait le 6 Octobre. Certes on « bougonne » un peu et pour cause : nous nous étions fait des illusions. Après avoir compté, durant toute l'attaque de la Somme, sur un peu de repos au bord de la mer, en Seine-Inférieure, nous avions cru aller à Chantilly, où nos camarades du 1er d'infanterie étaient cantonnés. Et au lieu de cela, la Champagne désolée et désolante est là, nous attendant.
L'hiver qui commence s'annonce dur. On s'installe cependant, d'ailleurs assez bien, car le secteur est bien organisé et pas très agité. Ce nous est une consolation, car nous aurions pu tomber beaucoup plus mal.
Notre séjour à la Cabane, coïncide avec la transformation de notre division qui sera à l'avenir formée des 1er, 201e et 233e. Les 43e et 127e quittent la 1re division pour former avec le 327e, la 362e division.
Le 29 Novembre, nous sommes relevés, mais pour rester dans la région, au repos à Piémont, la Cheppe. Ce repos dure d'ailleurs très peu de temps car un travail urgent de deuxième position s'impose et nous y sommes employés.
Nous remontons en ligne, dans notre ancien secteur, devant Navarin, le 6 Janvier. Mais déjà nous savons que ce sera pour peu de temps. De nombreux « tuyaux » circulent en effet, l'un d'eux prend consistance : le 1er corps d'armée a des éléments dans la région de Jonchery, où ils procèdent à des reconnaissances ; on attaquerait de ce côté et nous serions de la fête. C'est sans doute le travail à faire au printemps qui se prépare.
Le 15 Janvier, le colonel Hebmann nous quitte pour aller prendre le commandement d'une Infanterie divisionnaire à Verdun. Le lieutenant-colonel Mougin venant du 8e R. I. lui succède au commandement du régiment.
Fin janvier nous sommes relevés et nous descendons à la Cheppe et Bussy- le-Château. Dieu que nous y avons souffert de froid ! au cours de cette si dure période ! À peine arrivait-on à se réchauffer un peu dans la journée, les nuits dans les baraquements étaient terribles. Voilà un pays qu'on, ne regrettera pas.
Enfin l'ordre arrive de nous préparer au départ et de fait nous partons le 15 Février, pour aller cantonner à Saint-Germain-la-Ville, où nous arrivons à 15 heures. L'étape déjà longue (25 kilomètres) avait été rendue pénible par le mauvais état des routes. Depuis le matin nous n'avions pas cessé d'entendre un violent roulement. Une attaque se produisait certainement quelque part, dans la direction du Nord-Est. Chacun se souvenait alors, qu'il y a un an presque jour pour jour, l'ennemi avait attaqué sous Verdun, se demandait si nous n'allions pas être appelés vivement à aller étayer nos lignes. Le canon semblait nous convoquer.
Et de fait, alors que nous étions arrivés à 15 heures, exténués de fatigue, un coup de téléphone est donné à 18 heures au lieutenant-colonel qui reçoit l'ordre d'alerter immédiatement le régiment. Les camions arrivent pour nous embarquer. C'en est fait, nous n'y « coupons » pas. Les autos nous prennent et nous mènent, dans la nuit, vers le Nord, vers les lueurs du bombardement, dans le secteur tenu par la 2e division.
À Saint-Jean-sur-Tourbe, le général Guignabaudet nous envoie dans le secteur de Maisons-de-Champagne. Le 4e bataillon est en tête, bientôt suivi par le 5e et le 6e. Nous apprenons alors ce qui s'est passé.
L'ennemi a attaqué Maisons-de-Champagne, le 8e et le 208e R. I., ont subi le choc, ont perdu du terrain et maintenant que la crête qui domine le Marson est prise par les Allemands, nous ne savons pas ce que sera demain.
Débarqués à Laval, il nous faut gagner les lignes par la grand' route et le ravin de Marson.
Nous sommes on ne peut plus fatigués, la longue marche de la journée, le manque de repos complet, cet embarquement inopiné en camions, cette nuit sans sommeil, nous ont mis à « plat ». Et cependant on marche, puisqu'on va au secours de camarades.
À partir de Minaucourt nous entrons dans une véritable nappe de gaz. Les Allemands, pour empêcher nos réserves d'avancer, arrosent en effet la grande route et créent dans le ravin de Marson un barrage serré d'obus toxiques.
Déjà on n'y voyait guère ; maintenant, avec le masque sur la figure, il devient impossible de se diriger. Les hommes se tiennent par la capote et, en file indienne, on marche en aveugle. Il faut se garer, et des obus qui sonnent la route, et des caissons d'artillerie qui nous croisent à toute allure.
Pour se diriger il faut soulever le masque et c'est alors le gaz qui nous suffoque. C'est, croyons-nous, la marche la plus pénible que nous ayons faite au cours de cette dure campagne.
Au petit jour nous arrivons à l'ouvrage du Fortin et la journée toute entière fut employée à prendre position homme par homme car l’ennemi qui nous a vus. salue nos débuts dans le secteur, par un arrosage des plus copieux sur tous les boyaux.
Le 4e bataillon occupe l'ouvrage Poquereau, son installation lui coûte des pertes sensibles. Deux chefs de bataillon les commandants Roche et Heinon sont évacués pour intoxication. Les 5e et 6e bataillons sont en réserve dans le ravin de Marson et sous le Tunnel.
Notre rôle est maintenant de tenir la ligne sur laquelle le 208e R. I. a été rejeté, de la mettre en état de défense tout en préparant une attaque qui aura pour but la reprise du terrain perdu.
L'ennemi semble vouloir se contenter de son succès, la position dominante qu'il occupe lui suffit. Il ne prononce aucun mouvement et se borne à interdire tous nos travaux, par un tir des plus soutenus et des plus nourris qui décèle une nombreuse artillerie.
L'attaque pour la reprise de la position devient de plus en plus précise et il semble bien que cet honneur va encore nous échoir.
Cette perspective n'a rien d'emballant, d'autant que le terrain se prête peu à l'opération, que la fatigue est énorme, que nos pertes depuis notre arrivée ont été sévères. Mais s'il le faut on ira et, ma foi, nous nous préparons.
Un labeur énorme commence alors ; la création d'une parallèle de départ sur tout le front du régiment qu'il faut faire en quelques nuits réclame toutes les énergies. La pluie tombe sans discontinuer sur ce terrain imperméable et ajoute encore à nos fatigues ; l'ennemi a d'ailleurs prévu nos intentions que nos travaux révèlent ; il fait dans tout le secteur des tirs de contre-préparation qui nous gênent considérablement.
L'attaque est fixée au 25. Il était dit que nous ne la ferions pas. Tout est terminé, le travail est au point grâce à la belle énergie du capitaine Battet, qui toujours sur la brèche, donnant le plus bel exemple, stimulait le zèle de chacun. Le 4e bataillon a achevé au jour voulu le travail qui lui incombait. Les 5e et 6e ont pris la tenue d'attaque au ravin des Pins et montent pour prendre position.
Les premiers éléments atteignent déjà la ligne quand le contre-ordre arrive. Le régiment n'attaquera pas et sera relevé. Il doit, aller à l'arrière pour se préparer à la grande attaque du printemps, à laquelle il doit coopérer.
Cette période, si elle n'avait rien eu de glorieux, est certainement une de celles qui restera le plus longtemps gravée dans la mémoire de tous, comme ayant été une des plus dures de la campagne.
Le 4e bataillon, commandé par le capitaine Battet, avait donné son plein de dévouement et le général Grégoire l'en récompensa par une très belle citation à l'ordre de la division.


Source : Historique du 201 R.I. - JOUVE & Cie, ÉDITEURS - 15, RUE RACINE − PARIS-VIe – 1919
Avec l’aimable autorisation de Jean-Luc Dron
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