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NOUVELLE MISE A JOUR LE 15 avril 2014

vendredi 25 décembre 2009

La Tête des Faux

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Il y a 95 ans hier soir que la Tête des Faux subissait la contre-attaque allemande.
Voici un résumé de la prise de cette position le 2 décembre 1914 et de l’attaque du 24 décembre 1914


28 BCA
2 décembre 1914, la prise de la Tête des Faux

Le 27 novembre au soir, les 1ere et 5e compagnies ainsi que la section de mitrailleuses sont détachées du bataillon et forment avec trois compagnies du 30e bataillon de chasseurs, un détachement qui, sous les ordres du capitaine REGNAULT, de la 1ere compagnie du 28e doit attaquer la ‘Tête des Faux’.

Ce piton formé, d’éboulis de rochers, boisé de petits sapins épais et rabougris, de genévriers et de hautes fougères, constituait un merveilleux observatoire, au centre d’un immense cirque formé, du nord au sud par le Bressoir, le col des Bagenelles, le Rossberg, le col du Bonhomme, le col du Louschpach et le calvaire du Lac Blanc.

Le 2 décembre, à 2 heures du matin, le détachement quitte la vallée de la Meurthe, et, au milieu d’un brouillard glacial, il gravit, par des sentiers rocailleux, les pentes des Hautes Chaumes. Au lever du jour, un court répit est accordé pour casser la croûte, aux environs de la ferme de Reichberg, puis les colonnes s’enfoncent dans les épaisses forets et arrive au pied de la Tête des Faux. A 11 heures, quelques coups de canon balaient le sommet du piton et le détachement REIGNAULT, cheminant sous les bois, escaladant les pentes presque inaccessibles, arrive devant les défenses ennemies. Pour parvenir jusqu’au sommet, il a fallu mettre souvent le fusil en bandoulière et s’aider des pieds et des mains pour s’agripper aux énormes éboulis, obstacles presque infranchissables. D’épais réseaux d’arbre en arbre, forment avec les branches des sapins, un fouillis inextricable au milieu duquel on se fait jour à la cisaille et à la serpe. Mais ces obstacles n’arretent pas l’élan des chasseurs et le sommet de la Tête des Faux est atteint au prix de fatigues inouies. Un feu nourri et meurtrier accueille l’apparition des bérets bleus sur la crête. Embusqué derrière de gros rochers, l’ennemi guette et tire à coup sur. Le capitaine D’ESCODECA qui, pour l’attaque, remplaçait le capitaine REGNAULT à la tête de la 1ere compagnie, est blessé à bout portant d’une balle à l’épaule. Le lieutenant de POUYDRAGUIN commandant la 5e compagnie, est lui aussi grièvement touché. L’adjudant DESTRIBATS est tué d’une balle en plein front, alors que, sous une fusillade nourrie et à moins de 100 mètres de l’ennemi, il mettait ses mitrailleuses en batterie. Malgré les pertes sévères, les chasseurs avancent toujours, se faufilant derrière les rochers, progressant en rampant dans les futaies La Tête des Faux est enlevée d’un seul élan. L’ennemi se retire dans des tranchées préparées à l’avance, à quelques mètres de celles que le détachement REGNAULT vient de lui enlever. Fidèle à sa tactique, l’Allemand contre-attaque pendant toute la nuit, et, au matin, les munitions manquent au moment, où, dans un élan désespéré, l’ennemi sort une fois encore de ses tranchées. On défait rapidement des bandes de mitrailleuses, on ramasse les cartouches des morts et les chasseurs, craignant de ne plus avoir de cartouches, ménagent à contre-cœur leurs munitions. L’ennemi lourdement éprouvé, regagne ses tranchées en rampant, et, pour venger cet échec, l’artillerie allemande arrose sans répit, avec des obus de gros calibre, les tranchées que le détachement REGNAULT lui a enlevées.

A la suite de ce combat, la citation suivante à l’ordre du C.A. vient récompenser la bravoure des 1ère, 5e compagnies et de la S.M. du 28e :

"Le 2 décembre, sous le commandent du capitaine REGNAULT, ont chassé l’ennemi à la baïonnette de la Tête des Faux, après avoir escalé sous le feu, des éboulis d’énormes rochers, et se sont ensuite maintenus sur ce sommet, malgré toutes les contre-attaques."



30 BCA
2 décembre 1914, la prise de le Tête des Faux
24 décembre, l’attaque allemande

La Tête du Violu prise, il reste encore à l'ennemi la Tête des Faux, observatoire précieux pour lui, fort gênant pour nous.
A 3 ou 4 kilomètres de nos lignes, ses 1 219 mètres dominent et voient toute la crête frontière, toutes les hautes vallées de la région, les chemins et les routes qui sont la vie de notre front, tous les trains qui arrivent à Fraize.
Des éboulis d'énormes blocs de granit, d'épais fourrés de pins rabougris que le poids des neiges couche et emmène chaque hiver en enchevêtrements inextricables lui font une ceinture qui semble défier tous les assauts.
Le mois de novembre est très mauvais ; la pluie glacée, les tourmentes de neige rendent la vie très dure dans les noirs bois de sapins où gîtent les Chasseurs. De nombreuses mais discrètes reconnaissances sont faites vers le piton convoité ; il faut étudier son chemin sans mettre l'ennemi en défiance.
Le 2 décembre, à 2 heures, un détachement formé de deux compagnie du 28ème, des compagnies MARION (1ère), MANICACCI, TOUCHON, quitte le RUDLIN, chemine sous bois, arrive à 11 heures au pied de la Tête des Faux sans avoir donné l'éveil.
Notre artillerie, bien peu nombreuse, s'efforce d'arroser efficacement le sommet ; la compagnie TOUCHON en avant et à droite marche droit sur le point culminant, court à travers les fourrés, escalade les gigantesques éboulis ; arrêtée aux fils de fer, ses clairons sonnent la charge.
Le capitaine TOUCHON, blessé dans le réseau d'une balle à la cuisse, ne tombe pas ; les chasseurs MAZET et LECOMTE sont tués en coupant les fils de fer à coups de hache ; on passe.
Le caporal MOISSONIER tue deux Allemands à coups de baïonnette.
Le sommet est enlevé ; l'ennemi se retire dans ses tranchées de la contre-pente où ses renforts accourus nous arrêtent. Toute la soirée, toute la nuit, les contre-attaques se succèdent ; le Chasseur VINCENT, excellent tireur d'un grand sang-froid, fait merveille ; un dernier effort tenté à l'aube n'a pas plus de succès ; le tapis de cadavres qu'éclairent les premières lueurs du jour montre quel prix l'ennemi attachait à son observatoire.
Puis, c'est le bombardement continu, les mines et les tuyaux de poêle les rafales de mitrailleuses, la fusillade incessante et impitoyable, à 40 mètres, où chaque balle tue ; le vent, le froid, la neige épaisse qui tombe en tourmentes aveuglantes, les pieds gelés.
Impossible de creuser des tranchées dans le roc et la terre glacée, impossible de poser des réseaux. On se tapit dans la neige le jour, et la nuit on se fait un toit de branchages, on pose devant soi quelques caisses pleines de terre, les "boucliers Azibert" ; on jette quelques "araignées" que la fusillade hache, que la prochaine neige couvrira.
Aux engins de mort perfectionnés de l'ennemi nous ripostons de toute la force de nos pauvres moyens : vieux obus de 90, bombes qui datent de Louis-Philippe, pétards faits d'un paquet de cheddite ficelé à une branche de sapin.
Fiers, les Chasseurs tiennent ferme sur le rude piton ; aux plus vaillants le poste le plus périlleux ; le soleil luit, leur montre le but, la plaine d'Alsace où leurs frères les attendent, le Rhin qui scintille et qu'on atteindra.


A partir du 20 décembre, de sourds coups de mine sont entendus jour et nuit, de nouveaux préparatifs surgissent, les approches de l'ennemi apparaissent à 20 mètres du centre de la compagnie TOUCHON où les maigres fils de fer sont détruits sans cesse par les bombes et les grenades.
Notre ligne va-t-elle sauter ? Un peu à contre-pente, on noie de fils de fer invisibles à l'ennemi l'arrière de l'espace menacé, on aligne quelques boucliers Azibert autour de cette zone condamnée.
Le 24 décembre, les compagnies PIOT et TOUCHON sont en ligne, la compagnie TOUCHON au point le plus délicat ; un dur bombardement pendant la matinée, les 210 de la Poutroye et les grosses mines de Grimaude ont donné ferme ; l'après-midi est calme, la nuit commence remarquablement tranquille.
Soudain, à minuit, des hurlements et la fusillade assourdissante. Les Allemands ont surgi en masses serrées. Ils entrent dans la section BONREPAUX au centre de la compagnie TOUCHON, sur les 50 mètres où le fil de fer manque ; partout ailleurs, pas un ne passera, et leurs cadavres s'entasseront si nombreux et si proches que par endroits ils empêcheront le tir par les créneaux.
Dans la partie envahie c'est un corps à corps très meurtrier où presque tous les nôtres submergés succombent après une lutte héroïque ; on trouvera de nos morts serrant encore une pioche enfoncée dans une poitrine allemande ; la masse grossit s'entre-tue avec ses grenades, mais avance.
La section de réserve de la compagnie TOUCHON accourt avec le capitaine garnit les boucliers Azibert de la deuxième ligne ; la section de réserve de la compagnie PIOT bouche le trou à gauche entre la partie qui a tenu et la deuxième ligne. Le caporal BESSE tombe mortellement blessé et crie : "En avant quand même !" Les feux croisés de ces deux sections font des ravages chez les assaillants empêtrés dans les fils de fer.
Les nôtres maintiennent une fusillade enragée. Le lieutenant d’artillerie CHABERT a voulu passer la nuit de Noël à son observatoire près du Sphinx ; il prend la direction du ravitaillement en cartouches ; ses ravitailleurs seront aussi héroïques que les combattants.
Le chasseur PELLET offre des cartouches à deux Allemands s'aperçoit de son erreur, les tue.
Le Chasseur COUP-LA-FRONDE, un bras brisé, fait vingt-deux fois le trajet du dépôt de munitions à la ligne de feu, et il est beaucoup plus périlleux d'entrer dans la tranchée et d'en sortir que d'y rester.
Mais les Allemands se renforcent sans cesse, les nôtres diminuent ; il ne reste bientôt plus à la section de réserve de la 6ème que les sergents LARGERON et PAUCHON, le caporal CRAMPE et huit Chasseurs, qui répondent aux cris allemands : "On ne passe pas ! Vive la France" et chantent la Marseillaise en continuant leur feu.
L'attaque est par bonheur bien contenue partout ailleurs, où les fils de fer sont suffisants.
Le Lieutenant PIOT accourt sous les balles pour dire : "Chez moi, ça va, la ligne tient, mais nous en tuons, nous en tuons !"
L'adjudant COLONNA répond invariablement à toutes les demandes de renseignements : "Nous tiendrons !"
Le Lieutenant BERGE parcourt sans cesse sa ligne avec son calme prodigieux, sa seule présence est une assurance que tout ira bien.
Le Chasseur VILLARD prend le commandement d'une demi-section dont le Sergent et les deux caporaux sont tombés.
Les caporaux GADANT et GAVEYRON montrent un splendide courage.
Le Chasseur MONNET tient toute la nuit isolé avec trois camarades.
Le Chasseur MOURGUE, grièvement blessé au bras gauche, tire quand même toute la nuit.
Arrive enfin une section de la 1ère compagnie, accourue de La Verse ; c'est la seule réserve du lieutenant MARION, pris à partie aussi, il n'a pas craint de s'en défaire.
Deux assauts encore, brisés aussi ; au dernier, les Allemands ont trouvé une brèche, en avant et à droite de la deuxième ligne ; ils glissent derrière la section LESPECT, l'entourent ; les Chasseurs tirent les uns en avant, les autres en arrière, tiennent.
La section BOYER de la 2ème, venue de la ferme Mathieu, arrive à point pour dégager la section LESPECT.
Enfin, un dernier assaut avec fifres, tambours, hurlements de : unser Kaiser (notre Kaiser), Kaisers befehl (ordre du Kaiser), rafales de mitrailleuses dont on voit la flamme à quelques mètres. L'acharnement de l'ennemi ne sert qu'à augmenter ses pertes.
Il est 4 heures, l'Allemand n'attaque plus ; dans le bout de tranchée qu'il a pris, il s'installe, entasse des boucliers en fer, des sacs à terre, une mitrailleuse.
Courte et pénible installation, sous notre fusillade sans répit. Au petit jour le caporal CRAMPE bondit avec quelques Chasseurs et reprend toute la tranchée perdue. Il y retrouve encore vivants quelques-uns de nos blessés ensevelis sous des piles de cadavres.

Le commandant interroge les prisonniers ; ce sont des chasseurs mecklembourgeois du 14ème bataillon ; des cocardes multicolores ornent leurs shakos de cuir ou de feutre. Ils portent tous au porte-épée une dragonne verte.
Le capitaine fait réunir ces dragonnes et tout à l'heure le tailleur de la compagnie y coupera des galons pour les caporaux ; ce sont les premiers galons verts des chasseurs, ils remplaceront pour un temps les trop visibles galons jonquille.
Un officier ennemi déclare que les siens ont éprouvé des pertes terribles ; il les estime à 500 hommes mis hors de combat.
Quatre compagnies de chasseurs, deux compagnies bavaroises de pionniers ont mené l'attaque. Le dernier assaut fut fourni par la compagnie cycliste ; son recrutement était de choix, son équipement splendide. Les vainqueurs se montrent en riant les pompes de bicyclette et se partagent les étuis de cartes, tout flambants neufs !
Les prisonniers sont groupés devant le poste du capitaine ; lorsque passe un Chasseur, un simple petit Chasseur de 2ème classe, tous, ostensiblement "rectifient la position" ; un feldwebel, interrogé, se fige dans un "garde à vous" impeccable, montre du menton un de ses gardiens et dit simplement :
"Die besten Truppen in der Welt (les meilleurs troupes du monde)."
Ultimes paroles d'admiration, et d'orgueil aussi de l'ennemi vaincu".

Une citation entre toutes, celle du clairon MAILLER, tombé la cuisse brisée, exprime l'exaltation héroïque des Chasseurs dans cette nuit de Noël.


Photos et cartes Collection personnelle
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