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1914 – 1915 : MARNE ET CHAMPAGNE
Les 8 et 9 août 1914, le Premier Régiment d'Artillerie Coloniale quitte Lorient par voie ferrée pour gagner Revigny où il débarque le 11. Subdivisé en trois groupes de trois batteries chacun, il était équipé de canons de 75, modèle 1897.
Le régiment suit le Ier Corps d'Armée Coloniale, dont il fait partie, dans sa concentration sur la rive droite de la Meuse. Le 12 août, il est cantonné à Brouennes, à l'est de Stenay.
Le 22 août, avec le corps d'armée, il franchit la frontière belge, dans un mouvement en direction de Neufchâteau. Il se heurte alors, de façon immédiate et brutale, à l'armée allemande. A 15 heures, le régiment reçoit le baptême du feu à Jamoignes. Jusqu'à 20 heures, il appuie l'infanterie qui essaie, mais en vain, de dégager la 3ème Division, littéralement écrasée par les forces ennemies bien supérieures en nombre.
A l'aube du 23, il reprend la lutte à Valensart situé à deux kilomètres de là. Dès ce second jour de combat, il fait connaissance avec l'artillerie lourde allemande. En deux jours, les pertes, tant en personnel qu'en chevaux, sont très lourdes.
Vers 16 heures, l'ordre arrive de battre en retraite. Ce sont alors des coups d'arrêts que le régiment effectue dans la retraite qui va mener le corps d'armée sur la Marne, série de combats épuisants et particulièrement dangereux pour les deux adversaires et dont le résultat est de briser, peu à peu, la vague allemande qui déferle pour venir mourir sur les bords de la Marne.
Le 25 août, à Saint-Walfroy, la batterie du Capitaine CHRÉTIEN, prise sous le feu d'une artillerie de gros calibre, est pratiquement sacrifiée pour assurer l'écoulement des troupes.
Les 26, 27 et 28 août, c'est la lutte farouche, dans la forêt de Jaulnay. La 2ème Division rejette les Allemands sur la rive gauche de la Meuse, ce qui permet de recueillir et d'évacuer nos blessés vers l'arrière.
La retraite se poursuit le 29 et le 30, mais le 31 août la division produit un effort offensif à Châtillon-sur-Bar.
Le 3 septembre, le groupe du Chef d'Escadron POL arrête net, par ses feux, la poursuite allemande à Bussy-le-Château et Saint-Rémysur- Bussy, alors que nos troupes étaient exténuées, permettant à l'infanterie un repli en sûreté.
Le 5 septembre, après avoir fait face à nouveau à Vitry-en- Perthois, le régiment traverse la Marne et le canal pour s'arrêter définitivement à Saint-Rémy-en-Bouzemont.
La bataille sur la Marne s'engage alors. Dès le lendemain, l'infanterie ennemie tentait, en vain, de refouler notre division en agissant par masses profondes. Ce fut un joli massacre : nos 75 y firent merveille et les cadavres allemands s'entassèrent dans les plaines de Magnicourt, Goncourt, Frignicourt et du Mont-Moret. Les journées suivantes ne firent que confirmer notre succès et, le 11 septembre, les Allemands étaient, à leur tour, obligés de battre en retraite.
Les troupes françaises entreprirent immédiatement la poursuite par Ecriennes, Vanault-le-Châtel, Noirlieu et Gizaucourt. Le 13 septembre, à la tombée du jour, la batterie JACQUIN, appelée d'urgence, accourt jusqu'à Valmy et, s'installant au pied même de la statue de DUMOURIEZ, accélère, par ses tirs, le recul précipité des Allemands.
Cependant, ces derniers préparent depuis plusieurs jours des lignes de tranchées le long de la Tourbe et s'installent fortement sur une ligne de hauteurs au nord de Ville-sur-Tourbe, Virginy et Massiges. Le 15 septembre, la 2ème Division, soutenue par le groupe LOTTE, essaie, sans succès, de s'installer au nord de Virginy. Entre le 16 et le 25, la lutte se fixe. Le 26, les Allemands, en masses imposantes, ne parviennent pas à prendre Minaucourt d'assaut. Les tirs de notre artillerie rompent l'attaque. De nombreux prisonniers et un drapeau tombent entre nos mains.
Désormais, Français et Allemands, épuisés par les combats sanglants qu'ils livrent depuis plus d'un mois, vont s'arrêter, fortifier les positions qu'ils occupent, s'installer pour hiverner et réorganiser leurs troupes. Les Allemands inaugurent la guerre des tranchées.
Le Premier Régiment d'Artillerie Coloniale occupe des emplacements échelonnés le long de la Tourbe et au sud de la ferme de Beauséjour.
A partir du 20 décembre, les coups de main se succèdent : la 2ème Division attaque les organisations ennemies de la croupe située entre le ruisseau de Marson et celui de l'Etang. Les 22ème et 7ème Régiments d'Infanterie Coloniale, appuyés par les Ier et 3ème Régiments d'Artillerie Coloniale, occupent d'un seul bord les tranchées du Calvaire et le bois de Beauséjour. Le régiment muselle les batteries adverses et, par un feu précis, empêche toute contre-attaque.
Le 30 décembre, la seule tranchée inoccupée le 20 l'est à son tour, grâce au soutien du groupe POL.
Le 2 janvier, nouveau coup de main sur la tranchée située entre le Bois-en-Fable et le Bois-Oblique, à nouveau sous la protection du groupe POL.
Le groupe LOTTE arrête, dans la région de l'Oreille, une attaque allemande imminente. Le 3 février, les Allemands attaquent, à leur tour, et réussissent à pénétrer dans nos organisations entre le Cratère et le Bois-Noton. Quelques jours après, notre infanterie se retire sur la rive droite de la Tourbe.
Cependant, de durs combats qui dureront jusqu'au 25 avril sont livrés presque quotidiennement pour la possession du fortin de Beauséjour, à la gauche du secteur tenu par la 2ème Division coloniale. Les batteries du régiment prennent part à tous ces combats.
Le 23 février, pour la première fois, le 22ème Régiment d'Infanterie coloniale réussit à occuper le fortin en entier. Les Allemands en reprennent une partie les jours suivants et la position n'est définitivement enlevée, par le 3ème Régiment d'Infanterie coloniale, que le 27 février, après une minutieuse préparation d'artillerie. Le Fortin de Beauséjour nous reste acquis, malgré deux contre-attaques ennemies les 8 et 24 avril, qui échouent complètement.
Dès les premiers jours de juin 1915, le Premier Régiment d'Artillerie Coloniale avait été envoyé dans les environs d'Amiens, en vue de participer à une offensive qui devait avoir lieu au nord de Doullens, mais le 14 juillet, il reçoit l'ordre d'embarquer à Longueau, et le 18 août, il retrouve les positions occupées au printemps, au sud de la Tourbe. Il se prépare une attaque de grande envergure contre la Main de Massiges.
Le 25 septembre, après une préparation d'artillerie intensive de trois jours, les marsouins montent rapidement à l'assaut, baïonnette au canon, ils gravissent les pentes escarpées de la Main de Massiges et leurs éléments de tête couronnent bientôt les crêtes de l'Index et du Médius.
Le groupe JACQUIN, chargé d'accompagner les troupes et de les soutenir, essaie, mais en vain, de gagner le ravin de l'Annulaire ; dès que la reconnaissance qui précède les batteries débouche à l'est du pont de Massiges, elle est littéralement fauchée par deux mitrailleuses allemandes qui subsistent encore dans un abri bétonné du cratère. Tous les chevaux sont tués ; deux officiers sur trois blessés ; le personnel de reconnaissance est anéanti.
La batterie AURIOL qui suit, décimée par les balles allemandes, est arrêtée net. Le Lieutenant VAISSIÉ qui la commande est blessé grièvement. Le chef d'escadron, la rage au cœur, reçoit l'ordre de se replier ; retour pénible, endeuillé par de nombreuses pertes. Cependant le matériel des batteries est ramené au complet.
Ce n'est que le surlendemain que les grenadiers du 22ème Colonial mettront les deux mitrailleuses hors de combat, permettant à notre artillerie d'avancer. Le 28 septembre, la batterie VERRIER s'installe sur les pentes du Médius et fait payer cher aux Allemands les pertes qu'ils nous ont infligées le jour précédent. Les autres batteries du même groupe avancent au nord de la crête 180. Puis le groupe POL vient occuper des positions à l'est du bois du ravin de l'Etang.
De ces nouvelles positions, très exposées et contre-battues, les batteries appuient la nouvelle attaque du 6 octobre, qui aboutit à une occupation momentanée du bois de la Chenille. Le tir d'enfilade des batteries ennemies, dans les régions de la Justice et de Cernay, obligent nos troupes à se retirer. A partir de ce moment, la réaction de l'ennemi devient de plus en plus violente, marquée par des bombardements intenses d'obus de tous calibres et par obus à gaz (du 28 au 30 octobre). Des combats locaux ont lieu les 26, 27 et 30. Enfin, le 3 novembre, les Allemands lancent sur le Mont Têtu une forte attaque avec jets de liquides enflammés et nappes de gaz. Ils s'emparent du Mont Têtu, presque entièrement repris par une contre-attaque le lendemain matin. Les Allemands attaquent à nouveau et, après plusieurs journées de combat, ils réussissent à garder la tranchée près du sommet ; nous gardons celle immédiatement au sud et la situation restera sans changement jusqu'au 23 novembre, date à laquelle le régiment est relevé. C'est cependant dans ce cours laps de temps que le Chef d'Escadron POL trouve une mort glorieuse.
Source Historique du 1er Régiment d'Artillerie de Marine
Avec l’aimable autorisation de Jean-Luc Dron
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