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NOUVELLE MISE A JOUR LE 15 avril 2014

dimanche 11 avril 2010

Le 94e R.I. dans la Somme


RANCOURT

Le 11 septembre, le Régiment embarque en chemin de fer. Débarqué le 12 à Formerie, il va cantonner à Blargies et Abancourt. Les offensives de juillet et août ont fait cesser les attaques de Verdun. Le Chef d'état-major allemand, rendu responsable de l'échec de Verdun et de cette défaite de la Somme, est disgracié. Les Russes et les Italiens ont prononcé des attaques victorieuses et la Roumanie est entrée dans la coalition. Il faut continuer l'offensive.
Le 18, brusquement, le Régiment est emmené en camions de Blargies à la ferme Bronfay. Bivouaqué sous la pluie, il monte dans la nuit du 19 au 20 prendre position devant Rancourt et le bois de Saint-Pierre-Waast.
Le Colonel Delestre, terrassé par la maladie, pleurant de douleur et de rage, est obligé de passer le commandement du Régiment au Commandant Sauget.
Le 20, dès le matin, l'artillerie ennemie commence une violente préparation d'artillerie. A 9 heures, des masses ennemies, sortant de Rancourt, se portent à l'attaque de nos lignes, devant lesquelles elles viennent se briser, impuissantes, subissant des pertes énormes. A la gauche du Régiment, quelques éléments sont parvenus dans la première ligne. La 3e Compagnie, sous les ordres du brave Lieutenant Entrevan, se précipite. De son côté, le Sous -Lieutenant Michaut (1re Compagnie) les prend à partie, saisissant lui-même un fusil-mitrailleur qu'il sert sur le parapet de la tranchée. Les derniers Allemands s'enfuient ou sont tués ; mais le Sous~Lieutenant lui-même tombe frappé d'une balle en pleine bouche.
Du 2I au 24, le Régiment reste sur ses positions, qu'il renforce malgré un violent bombardement.
Dans la nuit du 24 au 25, les dispositions sont prises pour l'attaque : le 1er Bataillon (Capitaine Remy) a pour objectif les lisières nord de Rancourt, le 3e Bataillon (Commandant Wauthier) la lisière du bois de Saint-Pierre-Waast, le 2e (Commandant Chivot) est en soutien. Mais dans la nuit, les Allemands ont renforcé l'occupation de la tranchée Jostow, intacte, encore protégée par un réseau de fils de fer ; cinq blockhaus de mitrailleuses sont encore existants.
Le 25, sans hésitation, malgré un feu meurtrier de mitrailleuses faisant de la plaine un champ de mort, à 12 h 34 le Régiment se précipite en avant. Mais l'attaque vient se briser sur le parapet même de la tranchée allemande. Le 2e Bataillon tente en vain de se porter en avant : ses pertes sont aussi importantes.
Le Régiment venait de perdre 25 officiers et près de 1.000 hommes, tués ou hors de combat. Des Compagnies, comme la 2e et la 11e, avaient tous leurs officiers tués. L'attaque avait été courte, mais très meurtrière. Avec son élan coutumier, le 94e était parti à l'attaque, mais n'avait pu enlever la position, tandis qu'à gauche la 84e Brigade débordait Rancourt par le Nord.
Dans une lettre au Colonel Gaucher, commandant la 83e Brigade, le Colonel Moisan, commandant le 151e, disait toute son admiration pour cet héroïque sacrifice, dont quelques cas particuliers peuvent donner une idée. L'Adjudant Davignon, de la 7e Compagnie, prend spontanément le commandement d'une section, puis de sa Compagnie et l'entraîne avec une vigueur remarquable. Le Lieutenant Jahan, commandant la 1re Compagnie, tombe grièvement blessé au pied même du parapet de la tranchée Jostow. Mais le soldat Langevin, faisant preuve d'une bravoure qui égale son dévouement, le ramène sur son dos et rejoint ensuite la ligne de feu.

Blessés lors de l'attaque

Les deux frères Laguens, tous deux Sous-Lieutenants, vrais types du soldat, braves et pleins d'entrain, tombent glorieusement à la tête de leur section. L'un d'eux, André, refuse de se faire panser, disant à l'homme qui voulait lui donner des soins: « J'ai mon compte, rejoins le Capitaine et fais ton devoir ».
L'aspirant Carivenc, de la 6e Compagnie, maintient ses hommes grâce à son ascendant moral et riposte jusqu'à la fin au feu de l'ennemi par des volées de grenades à fusil.
Le Caporal Rayer, de la C.M. 2, fait l'admiration de tous par son calme, faisant sous le feu deux voyages pour retrouver le support et le trépied d'une pièce dont les porteurs viennent d'être blessés.
Les soldats Saulais et Moncelle, de la 7e, restent dans un trou d'obus près de l'ennemi tout le jour et toute la nuit, tirant avec un fusil-mitrailleur dont ils savaient à peine se servir.
Le Sergent Magne, de la 11e, fait preuve du plus sublime dévouement, allant jusqu'à l'épuisement complet de ses forces dans l'exécution de toutes sortes de missions volontaires.
Le Caporal Gagneur, de la 11e, blessé grièvement, réussit néanmoins à faire exécuter des bonds à sa section, dont le chef était tombé, et tombe lui-même, épuisé par ses blessures, en criant à ses camarades: « En avant les copains de la 11e ! »
Le soir même, avec les rares cadres survivants, un regroupement de forces est fait sur place : il faut à tout prix empêcher l'ennemi de contre-attaquer.
Le 26, dans l'après-midi, l'attaque est reprise à 16 heures par le 16e Bataillon de Chasseurs. Les défenseurs de la tranchée Jostow se rendent un peu avant l'attaque et le 16e gagne Rancourt. A son tour il est cloué sur le sol devant le bois de Saint-Pierre-Waast.
Jusqu'au 28, le Régiment reste sur ses positions, en soutien. Embarqué en camions, le 29, à Suzanne, il va à Vaires-sous-Corbie, où ses glorieux débris défi1ent fièrement devant leur nouveau chef, le Lieutenant-Colonel Détrie, qui venait de s'illustrer à la tête du 2e Bataillon de Chasseurs.
Du 1er au 20 octobre, le 94e est au repos à Gentelles, Cachy, Fouencamps, où il se reconstitue dans des manœuvres sur le plateau Gentelles-Cachy et les rives de l'Avre, qu'il devait, de mai à août 1918, défendre ardemment, puis libérer.
Le Chef de Bataillon Chivot, grièvement blessé à l'attaque du 25, est remplacé à la tête du 2e Bataillon par le Capitaine Bouchacourt.

SAILLY -SAILLISEL

Mais déjà l'approche de la mauvaise saison rend les opérations très pénibles. En outre, celles-ci coûtent des hommes et une quantité prodigieuse de munitions dont on ne peut se faire une idée qu'en songeant qu'une seule journée avait vu tirer autant de coups de canon que les sept mois de la guerre de 70-71. On se contentera donc de compléter et d'assurer, par l'occupation d'importants points d'appui, les résultats déjà obtenus.
Le 21 octobre, le 94e se dirige de nouveau vers le front. Il campe le 24 près de la ferme Bronfay, bivouac du mois précédent. Le Général Debeney prend le commandement du 32e Corps d'Armée, en remplacement du Général Berthelot, qui part en mission en Roumanie.
Le 26 a lieu la montée en secteur, pénible à cause des pistes boueuses, où l'on enfonce jusqu'aux genoux. Les positions sont à peine existantes, tant le terrain est boule versé par les obus.
Le 2e et le 3e Bataillons sont en ligne à Sailly, le 1er en réserve au ravin du Mouchoir.
Le 29, à 18 heures, le 2e Bataillon (Capitaine Bouchacourt) exécute une opération sur la tranchée de l'Eglise. Après une courte préparation d'artillerie, il arrive dans la tranchée, où il fait 53 prisonniers, grâce au dévouement plus particulièrement remarquable de l'Adjudant Maillard et du soldat Couapel, de la 5e Compagnie.
À la suite de cette opération qu'il avait brillamment préparée et dirigée, le Capitaine Bouchacourt est fait Chevalier de la Légion d'Honneur. Peu après, il fut promu Chef de Bataillon.
Le Sergent Maillard, Sous-officier d'une bravoure et d'une énergie remarquable, avait pris spontanément le commandement de sa Compagnie et l'avait exercé avec autorité. Tué à Verdun en août 1917. Le soldat Couapel est fait Chevalier de la Légion d’Honneur : « Fusilier d’une bravoure exceptionnelle. Le 29 octobre 1916 a combattu avec une admirable vaillance. A pénétré le premier dans une tranchée ennemie fortement occupée et y a fait plusieurs prisonniers. A renouvelé ses exploits le 1er novembre. Tué comme Caporal à Verdun en août 1917.
L'obscurité de la nuit est profonde : une contre-attaque ennemie ne permet pas de conserver l'îlot enlevé ; cependant, notre ligne est avancée de plus de 100 mètres. L'organisation des trous d'obus est poursuivie inlassablement sous la pluie, dans la boue, en dépit d'un ravitaillement presque impossible, empêché par des tirs systématiques et violents.
Le 31 octobre, commence à 10 h 45 un bombardement intense des lignes, du village de Sailly des ruines du château (où se trouve, le P.C. du Colonel) et des arrières. Le poste de commandement du Colonel est plus particulièrement visé, les Allemands connaissent les caves où sont abritées les unités de soutien. Un dépôt de munitions saute, mais le Colonel ne veut pas abandonner son poste de combat.


Poste de secours


La situation est grave, les Bataillons de ligne ont besoin de se tenir en liaison constante avec le Chef de Corps qui, de son côté, veut renseigner le commandement. Près du Capitaine Bouchacourt, 1e Caporal téléphoniste Mahieux, légendaire au Régiment pour son sang-froid et son courage, alors que toutes les liaisons sont rompues et reconnues impossibles, s'offre spontanément pour assurer la transmission, à plusieurs reprises, des renseignements de la plus haute importance. Un prisonnier a déclaré que l'ennemi prépare une grosse attaque qui doit avoir lieu le 1er novembre. En effet, elle est déclenchée à 5 h 30. Mais le dévouement du Caporal Mahieux a été utile : l'artillerie, vigilante, intervient au premier signal ; l'Infanterie, malgré la rude épreuve à laquelle elle, vient d'être soumise par un bombardement de dix-sept heures, empêche les assaillants d'avancer.
Le Sous-Lieutenant Massard, avec son équipe de canons de 37, sans munitions, prend le commandement de voltigeurs, débris d'une Compagnie, presque entièrement désarmés, les porte en avant, sus à l'ennemi, en criant: « Ceux qui n'avez plus d'armes, faites comme moi, prenez des pierres ! »
Le 2 novembre, la lutte se ralentit. Aussi on profite de cette accalmie pour relever le 2e Bataillon par le1er.
Le 5 novembre, il faut tenter à nouveau de conquérir en entier le village de Saillisel, pour enlever à l'ennemi un observatoire d'où il pouvait surveiller nos lignes et qui lui aurait permis de rendre Inhabitables.pour l'hiver nos cantonnements de repos.
Le Lieutenant-Colonel Détrie demande à son Régiment un dernier effort avant le repos. A II h10, les 1er Bataillon (Commandant Sauget) et 3e Bataillon (Commandant Wauthier) s'élancent en avant, mais sont arrêtés par des mitrailleuses à 10 mètres de l’objectif. Les vagues d'assaut s'accrochent au terrain jusqu’au soir. A 18 h 30, elles repartent dans un combat acharné à la grenade. L'avance est conservée et lorsque la relève a lieu dans la nuit du 5 au 6, les combattants, exténués par dix jours de lutte ininterrompue, laissent à leurs remplaçants leur gain de terrain, précaire il est vrai, mais rendu précieux par l'énergie farouche que chacun à déployée dans ces combats héroïques. Le soldat Buron participa à. toutes les missions difficiles où étaient engagés les hommes de sa section. Tour à tour patrouilleur, grenadier, fusilier-mitrailleur émérite, voltigeur courageux, infirmier, brancardier, ravitaillant en munitions et en vivres sous les pires bombardements, il ne prit aucun repos pendant cette dure période.
La 42e Division venait de marquer une fois de plus sa place glorieuse parmi les Divisions d’élite et le 94e venait d'ajouter un titre nouveau à sa renommée, que devait bientôt consacrer une citation à l'ordre de l'Armée.
Le 7 novembre, le Régiment, embarqué en camions à Suzanne, arrivait au repos à quelques kilomètres de Gournay-en-Bray, à Bezancourt-Dieppe et Elbeuf-en-Bray, où chacun put goûter à son aise les produits laitiers de ce beau pays normand aux riches pâturages.


Source Historique du 94ème RI (Anonyme, A. Collot, 1920)

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