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Le 30 décembre 1915
41e Division
82e Brigade
23e Rgt. D’Infanterie
Rapport du Lieutt Colonel Sohier Cdt le 23e Rgt. D’Infanterie sur les conditions dans lesquelles ont été exécutés les travaux par ce Rgt depuis son affectation au secteur du Rehfelsen.
J’ai l’honneur de vous accuser réception de l’Ordre du Général cdt la 66e Division en date du 29 décembre, et de vous demander de vouloir bien me permettre d’attirer respectueusement votre attention sur le paragraphe I ainsi conçu :
" Les renseignements qui me sont fournis indiquent que dans le secteur du 23e Rgt, les travaux n’ont pas été poussés avec toute l’activité désirable. Cette situation rentre certainement en ligne de compte pour une large part dans les événements survenus hier dans l’après-midi".
Je crois de mon devoir de vous demander de vouloir bien éclairer le commandement sur les conditions dans lesquelles les unités de mon régiment ont pris possession de ce secteur, et la situation dans laquelle elles se trouvent depuis qu’elles sont en ligne.
Je tiens par ce compte-rendu, et en ma qualité de Chef de Corps, à bien montrer au commandement que le 23e ne peut être suspecté ni d’inertie, ni d’une coupable passivité.
Avant de recevoir l’ordre de relever les Bataillons Dussauge (15e Btn de Chasseurs) et Gardelle (1e Btn du 23e) les Bataillons Cret et Bonnotte avaient eu à fournir un effort peu apparent, mais qui avait demandé aux hommes une dépense d’énergie considérable.
Dans la nuit du 22 au 23 et le 23 au matin, ces deux Bataillons ont exécuté des mouvements sous une pluie battante et sous un violent tir d’artillerie ennemie qui leur causa des pertes élevées.
Après une journée entière passée au sommet de l’HWK ils n’exécutèrent pas l’attaque prévue en vue de laquelle ils avaient été massés sur ce sommet. Il ne purent prendre qu’un repos très réduit, non seulement à cause de la longueur du trajet à effectuer de nuit dans des boyaux encombrés et en partie démolis par le tir de l’artillerie ennemie, mais encore, pour le 2e Bataillon, à cause d’un séjour dans des abris insuffisants et où les hommes ne pouvaient même pas s’allonger.
Dans la nuit du 25 au 26, ces deux Bataillons relevèrent ainsi qu’il est dit plus haut.
La succession n’était pas brillante, car la nouvelle 1ère ligne n’avait pu qu’être ébauchée par les prédécesseurs dans un terrain rocheux. Aucun abri pour les hommes dont les habits n’avaient pu sécher depuis trois jours.
Ils continuèrent les travaux commencés et les améliorèrent aussi rapidement que possible. De jour, aucun mouvement n’était faisable ; il fallait rester accroupi derrière un parapet insuffisant sous peine d’être inutilement mis hors de combat. Le travail n’était possible que de nuit.
Le ravitaillement, organisé avec toutes les ressources dont je disposais, se faisait néanmoins dans de mauvaises conditions à cause de l’éloignement forcé des cuisines (situées à Duvernet). Les vivres arrivaient froids (une fois par nuit) et ne pouvaient réchauffer des hommes mouillés et transis, malgré l’usage de l’alcool solidifié que malheureusement le corps n’a pu toucher dès le 1er jour.
Les 2e et 3e Bataillons eurent en outre à subir des bombardements nombreux et très violents qui occasionnèrent des pertes élevées. Le 2e Btn, dont la 5e Cie était en ligne depuis le 22 à midi, vit fondre ses effectifs par le bombardement du 29. Les 6e, 7e et 8e Cies, depuis leur relève, avaient des pertes journalières élevées provenant du tir des mitrailleuses allemandes du Rehfelsen, de nombreuses grenades à fusil lancées de la croupe N.E. du ravin sans nom et de torpilles lancées de la ligne de crête Rocher Hellé - Rocher Wickle.
Dans ces circonstances exceptionnellement défavorables, les Btn Cret et Bonnotte résistèrent à de nombreuses tentatives de l’ennemi et améliorèrent les travaux de défense, utilisant ainsi les quelques moments de répit qui leur était laissés. Les 8e et 9e Cies ont eu en effet à repousser en 24 heures jusqu’à 7 contre-attaques.
Je conçois à la rigueur que le travail effectué ait pu sembler insuffisant. Il est en effet assez difficile de se rendre compte du temps que demande le transport des matériaux et de la difficulté éprouvée à creuser des tranchées dans un sol aussi rocailleux.
Je suis intimement persuadé que l’effort fourni par le 23e a été aussi considérable que possible, les gradés et les hommes ne pouvaient faire d’avantage, leur état physique actuel le prouve suffisamment.
Bien que ces deux Bataillons aient subi des pertes élevées et que de nombreux officiers aient été mis hors de combat, le moral reste très élevé, comme il l’a toujours été au 23e. aucune défaillance, aucun murmure. Les hommes sont à bout de forces, mais gardent et garderont toujours l’esprit de sacrifice et de discipline qui sont l’honneur du Régiment.
Signé Sohier
Vu et transmis
Le 23e Régt a fait ses preuves ; l’esprit y est excellent. Les observations présentées ci-dessus sont justes. Comme je l’ai dit dans la transmission du rapport de M. le Colonel Sohier relatif à la journée du 28, j’estime que la position occupée entre le Rocher Hellé et le Rehfelsen ne pouvaient être maintenue forte qu’à la suite de travaux considérables, soutenus pendant de longs jours. Or, le 23e Régt n’a pu, entre le 24 et le 28, disposer que de nuits de travail très écourtées par la lune, le clair de lune exposant les travailleurs aux coupoles de mitrailleuses, ceux-ci étaient tenus à mille précautions, sous peine d’être mis hors de combat.
Le 28, l’organisation de la position n’était forcément qu’ébauchée. Cependant la position était défendable avec le soutien de l’artillerie.
Signé Passaga
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Source : SHD Annexes JMO du 23e RI cote 26 N 598