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La Somme
1916
Sur la rive droite, au nord de la rivière, à l'est de Curlu, le Bataillon reprend sa place, face au Boche, dans la nuit du 12 Juillet. Chacun travaille avec ardeur aux parallèles de départ pour l'offensive de grand style qui, bientôt, se déclanchera. Le 20 Juillet, au point du jour, l'heure est arrivée. Un brouillard très épais masque les objectifs : Grande Carrière et Bois de Hem.
Les Compagnies d’assaut, dans un ordre parfait, bondissent en avant. A quelques pas du but, l'ennemi se dévoile et brusquement ouvre un feu terrible. Les vagues tombent ainsi qu'à la parade en rangs alignés, chefs en tête. D'autres surgissent à leur place ; la grande Carrière est conquise.
Les sections continuent leur route.
Le Bois de Hem est là, tout près. Hélas ! comme ils sont peu nombreux ceux qui atteignent la lisière où, trop isolés, ils se terrent, espérant de nouveaux renforts... On se compte, on se cherche en vain. Le sol bouleversé par les gros obus est jonché d'uniformes bleus. Deux ou trois heures ont suffi pour faucher les deux tiers de ce beau Bataillon. Mais aussi quelle ample moisson de lauriers vient de cueillir le 11e pour notre France !... Un simple caporal, un enfant presque, Gouteaudier, nom glorieux qu'un dit avec respect, aidé par le Chasseur Guyot, tué quelques instant après, ramène 106 Allemands... Sur le champ de bataille même, il est fait Chevalier de la Légion d'Honneur.
Deux jours après, ayant résisté victorieusement aux contre-attaques boches, les survivants sont relevés et ramenés vers les cantonnements de l'arrière. Il manque au Bataillon 500 de ses Héros ! 11 Officiers, parmi lesquels les Capitaines de Chambost et Bontemps, le Lieutenant de Lamothe et les Sous-Lieutenants Verdan, Wehrling, Charlemagne, Rousset, ont été tués dans la charge, 10 autres sont blessés ; tant d'autres qu'on devrait saluer, dont le nom se perd dans mille noms de Poilus magnifiques, de soldats si glorieusement anonymes.
Mais au repos, on se reforme ; le Président Poincaré, ancien Officier du 11e veut accrocher lui-même à la poitrine des Héros les récompense méritées.
Dès le 12 Août, le 11e est prêt à remonter en ligne. On l'envoie attaquer au sud de Maurepas. Mais les Prussiens ont placé les meilleurs de leurs régiments. N'importe « on les aura » crient nos Poilus !... Ils les auront. Le 16, ils partent résolus, avancent à la hauteur des Bataillons voisins et font des prisonniers de la Garde Impériale. Citons un acte de bravoure parmi tant d'autre. Le Sergent Miramont part en patrouille, dans la nuit du l6 au 17 ; il tombe sur une patrouille ennemie forte de 10 hommes ; il en tue le chef et ramène quatre prisonniers. La nuit suivante, il repart de nouveau en disant : « je vais chercher les Fritz », il en ramène encore deux !
Pourtant, au cours de ces combats, les pertes sont cruelles. Le Capitaine Adjudant-Major Picard est tué en reconnaissance, ainsi que le Capitaine Odde, accouru pour le remplacer, le Lieutenant de Malberg et les Sous-Lieutenants Gros et François, dont le nom d'emprunt dissimulait un Alsacien, 150 Chasseurs tombent aussi.
Après un repos bien gagné, dans un coin délicieux de l'Oise, nos Alpins, le 12 Septembre, ont l'ordre de s'en retourner face au Mont-Saint-Quentin qui domine et défend Péronne, tandis qu'à gauche à Bouchavesnes, a droite au coude de la Somme, des unités moins éprouvées attaquent sans relâche. On fait appel aux hautes qualités morales de nos Poilus. Pendant quarante jours, sous des bombardements d'une violence extrême, dans des tranchées que la plane affaisse et que l'on répare chaque nuit, ils tiennent malgré tout, en améliorant leurs positions et dominant leurs adversaires. Enfin, le 24 Octobre, alors qu'en traînée de poudre, se propage le bruit heureux d'une victoire sous Verdun, le Bataillon est relevé ; mais il laisse, éternels gardiens du sol sacré qu'ils ont sauvé, deux Officiers : le Sous-Lieutenant Bardou, le Sous-Lieutenant Gassaud qui reçoit la Croix quelques instants avant sa mort.
En outre, 110 Sous-Officiers, Caporaux et Chasseurs ont été tués ou blessés au cours de cette longue et pénible période.
Le 11e est alors embarqué pour les Vosges. Le repos sous les noirs sapins ne convient pas longtemps à l'ardeur des Alpins. En Novembre, on remonte encore, aux ordres d'un nouveau Commandant, bien connu cependant, puisqu'il était lieutenant au début, dans ce même Corps qu'il dirige : le Chef de Bataillon Doyen.
En passant à Taintrux, où l'on cantonne un jour, on va s'incliner sur les tombas des Anciens qui dorment ici, au pied même de ce Kemberg qu'ils ont glorieusement gardé, puis, de nouveau, jusqu'à Janvier, à Combrimont, à 607, à Croix-le-Prêtre, entre les Cols de Saales et de Sainte Marie, on occupe un vaste secteur où l'ennemi surpris par le mordant de nos Braves se terre et se tient coi.
Source : Historique du 11e BCA, Imprimerie M. DORMANN, ETAMPES, 1920
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