CINQUIÈME BATAILLE DE CHAMPAGNE
L’OFFENSIVE
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Du 25 septembre au 6 octobre, 3e et 10e bataillons, jumelés dans la riposte comme ils l’avaient été dans la défense, vont être engagés dans les combats offensifs à l’est de Sommepy.
La victoire française progresse du sud au nord. L’obstacle où les Allemands prétendent l’arrêter est constitué par un triple système de tranchées au nord-est de Sommepy : La tranchée des Prussiens est avant-ligne de surveillance ; les tranchées von Fleck et d’Essen sont en contre-pente (1).
(1) Rapport officiel du chef de bataillon commandant le 3 B.C.P.
Le 28, le 409e d’infanterie enlève la première et partie de la seconde. Mais le reste est garni de réseaux « puissants et intacts » ; l’ennemi y est en force ; beaucoup de mitrailleuses, un canon anti-tank tirant de plein fouet, suspendent toute progression. De nouveaux efforts tentés le 29 ne donnent aucun résultat. Dans la nuit du 30 au 1er, une attaque par surprise est encore arrêtée aux abords d’un blockhaus bétonné, fortement organisé.
Le commandement décide de faire tomber toute la position en la débordant par l’est, puis par le nord.
Le 1er octobre, à 15 heures, tandis que des éléments du bataillon progressent en vagues d’assaut sur les derrières de la tranchée d’Essen, la 4e compagnie, précédée du peloton de la 5e que commande le sous-lieutenant Thiébaut, donne de haute lutte dans l’ouvrage lui même :
…L’attaque se déclenche. De nombreuses mitrailleuses se mettent à cracher. Thiébaud fait tomber par encerclement le fameux blockhaus --- d’où il tire 40 prisonniers et 4 ou 5 mitrailleuses, --- puis un second nid. Il a fort à faire pour réduire un troisième nid qui contient dix mitrailleuses. Il y arrive au moment où deux contre-attaques boches venant de l’ouest, débouchent par boyau et en rampant le long des rejets de terre. Il en repousse une au F.M. et à la grenade. L’autre menace de réussir. Thiébaud manque à ce moment de grenades. Sortant du boyau avec vingt chasseurs, il se précipite à la baïonnette, tandis que le sergent Lejeune, de la 4e compagnie, et quelques chasseurs foncent à la baïonnette dans le flanc ennemi, l’attaquent dans son boyau de haut en bas à la baïonnette. L’action est si soudaine que l’ennemi fait « camarade ». Malheureusement Lejeune tombe frappé d’une balle à la tête (1)…
(1) Rapport officiel du chef de bataillon commandant le 3 B.C.P.
La prise d’Essen attache une nouvelle palme à la croix de guerre de notre fanion :
Le 3e bataillon de chasseurs : fidèle aux vieilles traditions de vaillance et de mordant qu’il n’a jamais cessé de faire revivre depuis le début de la campagne, s’est particulièrement distingué le 1er octobre 1918, sous le commandement de son chef, le commandant Quillard, devant Sommepy, en attaquant avec un allant et une audace au-dessus de toute éloge la position formidable de la tranchée d’Essen qui arrêtait depuis plusieurs jours la progression de l’attaque dans le secteur ; s’est emparé de 300 prisonniers, 14 officiers dont un état-major de bataillon, 4 canons de 77, 1 canon de 105, 1 mortier de 240 et 75 mitrailleuses.
(Ordre général n° 1445 de la Ive armée, du 10 novembre 1918.)
Cette citation était pour le 3e la garantie de la fourragère aux couleurs de la croix de guerre. Mais cette fourragère ne lui fut pas remise officiellement avant qu’il ne lui eût acquis un surcroît de gloire.
Le 21 octobre, le bataillon est à Béthancourt et Nizy-le-Comte, cherchant le contact avec l’ennemi en fuite.
La volonté de débusquer le Boche est dans tous les cœurs. Jamais émulation entre combattants ne fut plus grande : armée Debeney dans Saint-Quentin (1er octobre) ; Canadiens dans Cambrai (9 octobre) ; armée Mangin dans Laon (13 octobre) ; Belges dans Roulers, Menin et Ostende (15 octobre) ; Anglais dans Lille et Douai (17 octobre) !
Du 21 au 28 octobre, le 3e bataillon, maintenant rattaché avec le 21e corps à la Ve armée, a l’honneur si envié d’être en toute première ligne de l’attaque générale qui libère définitivement la France.
Cette bataille de huit jours, le commandant Quillard la dirige d’élan en élan, le bras récemment fracturé et emprisonné dans un lourd appareil plâtré. L’enthousiasme de tout son bataillon lui répond.
Le 25 octobre, impétueux, insoucieux des mitrailleuses qui les déciment, des gaz dont on veut les empoisonner, nos chasseurs enlèvent de haute lutte la route Saint-Quentin --- Barrogue, position avancée de cette Hunding-Stellung dont l’État-major allemand avait prescrit la « défense à tout prix ».
Jusqu’au 27, sous un bombardement resté violent (13 tués, 46 blessés), ils organisent leur conquête.
Une troisième citation à l’armée clôt ainsi la carrière de guerre du bataillon :
Le 3e bataillon de chasseurs à pied : à peine remis des fatigues de la vigoureuse offensive menée par lui au nord de Sommepy, a brillamment rempli sa mission au nord-est de Béthancourt, du 21 au 28 octobre 1918, gagnant près de 3 kilomètres en profondeur sur un terrain rasé par des feux de mitrailleuses et barré de plusieurs réseaux de fils de fer intacts. S’est emparé de canons de 77, de plusieurs mitrailleuses, d’un certain nombre de prisonniers, mettant en fuite la plupart des mitrailleurs qui assuraient avec acharnement la défense d’un terrain particulièrement difficile.
(Ordre général n° 428 de la Ve armée, du 28 novembre 1918.)