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Octobre 1916
« On s’emparera tout d’abord des tranchées de raccordement du Sansonnet et de Souabe avec la première vague en se liant à droite au mouvement du 33e Régiment d’infanterie coloniale. Dès que ce régiment se lancera à l’assaut de la tranchée des Annamites, le 52e R.I.C. reprendra le mouvement en avant, en ordre, à allure modérée, pour conserver la cohésion, et occupera la tranchée des Annamites prolongée ainsi que le boyau d’Horgny. Ces lignes prises, les troupes s’arrêteront sur place, les compagnies de première ligne occupant les tranchées conquises, les compagnies de soutien, les parallèles de départ et l’ancienne première ligne.
« Deux bataillons en ligne, un bataillon de réserve avec la C.M. 4 à Assevillers.
Le 3e bataillon (commandant Coste) partira de la tranchée Stop, attaquera perpendiculairement à la parallèle de départ et de là, rejoindra l’intersection du boyau d’Horgny avec la tranchée des Annamites prolongée.
« Le 1er bataillon (commandant Brunner) attaquera le boyau d’Horgny. »
Les points délicats qu’il faudra tenir énergiquement, ajoute l’ordre du colonel, sont : Jonction de la tranchée de Württemberg avec le boyau d’Horgny, jonction du boyau d’Horgny et des tranchées de Vaux et des Annamites.
La reconnaissance du terrain fut faîte par les officiers le 12. Dans la nuit du 12 au 13, le régiment fut mis en place dans les conditions suivantes :
Le 1er bataillon eut deux compagnies en ligne (1re compagnie sénégalaise et 5e compagnie) ; deux compagnies en réserve (1re et 2e compagnies).
Le 3e bataillon eut deux compagnies en ligne (3e compagnie sénégalaise et 10e compagnie) ; deux compagnies en réserve (9e et 11e compagnies). Les compagnies d’attaque avaient chacune, comme moyen de liaison avec l’aviation, 24 pots Ruggieri qu’elles devaient allumer 4 par 4 dans le fond des trous d’obus pour jalonner leur emplacement.
Les compagnies furent amenées à pied d’œuvre le 14 octobre dans la nuit ; deux sections formant la première vague, deux sections la seconde. Dans la nuit et la matinée, l’ennemi déclencha sur nos lignes, à deux reprises, des bombardements assez vifs qui nous causèrent quelques pertes. Les compagnies d’attaque, se tenaient dans les parallèles de départ (tranchée Stop, tranchée du Crabe et saillant de Damloup) ; les compagnies de réserve devant former la 3e et 4e vagues, se trouvaient dans les tranchées de Souville à 100 m au sud de Belloy-en-Santerre. A midi, on reçoit communication de l’heure H.
L’assaut sera donné à 13 h 30. A 13 heures, l’artillerie ennemie ralentit son tir, on remet de l’ordre dans les unités. Le 1er bataillon qui n’a pas eu de pertes sensibles, fait une sortie très brillante. Dans un ordre parfait, avec un élan irrésistible, les deux vagues partent à peu prés simultanément et la distance qui doit les séparer ne peut être maintenue en raison de l’enthousiasme et de la rapidité avec lesquels cadres et hommes se portent à l’assaut.
« L’objectif assigné a été rapidement atteint (écrit le 16 octobre le capitaine Loisy, commandant la 1re compagnie sénégalaise) ; les prisonniers allemands ont été délaissés et rejetés vers l’arrière devant leur attitude suppliante et absolument inoffensive, la préoccupation du moment ne permettant pas de s’occuper d’eux. »
Mais les objectifs furent largement dépassés et il fallut faire exécuter aux hommes un léger mouvement de repli pour qu’ils vinssent se placer dans le boyau d’Horgny et dans un petit élément de la tranchée de Souabe.
Le 3e bataillon sous les ordres du commandant Coste partit lui aussi à 13 h 30.
La première vague de la 10e compagnie, enlevée brillamment par son chef, le capitaine Loubon, s’élance de la tranchée sous un crépitement de balles. Elle arrive à la tranchée de raccordement et tente aussitôt d’atteindre le deuxième objectif qui lui était assigné.
Elle atteint la tranchée des Annamites prolongée, remonte cette tranchée pour chercher sa liaison avec le 33e R.I.C. jusqu’au point où la tranchée coupe la route de Villers-Carbonnel-Estrées. Mais les munitions manquent ; les unités sont mélangées ; quatre avions allemands mitraillent nos lignes et dirigent le tir de l’artillerie ennemie qui se fait plus violent.
La 10e compagnie ne peut réussir à se maintenir… Elle essaye de s’organiser sur place à 200 mètres de la tranchée de raccordement. Le terrain n’offre pas un champ de vues bien étendu à droite ; les hommes croient que le 33e R.I.C. n’a pu déboucher de ses lignes, et, après l’arrivée de la vague de renfort, voyant la situation extrêmement critique, le capitaine donne l’ordre de repli. Ce repli est exécuté sous la protection d’un élément qui ouvre le feu sur des groupes ennemis qui sont aperçus dans la direction de Villiers-Carbonnel et qui se préparent à contre-attaquer. Les survivants de la 10e compagnie et de la 3e compagnie sénégalaise viennent s’installer dans la tranchée de raccordement et dans celle du Sansonnet ; bientôt la 9e compagnie et la 11e compagnie (de réserve) viennent organiser ces tranchées. Les compagnies d’assaut se retirent alors dans la tranchée de Damloup. Il est 19 heures.
A 13 h 30, la 10e compagnie était à peine partie que la 9e compagnie prenait sa place dans la parallèle de départ « poussant » la deuxième vague de la 10e compagnie. Les hommes, bien en main malgré l’intensité du tir, ne se cachaient pas : ils voulaient voir leurs camarades courir sus aux Allemands. Les pertes furent, de ce fait, assez sensibles. Les Allemands, dès 14 heures, arrosaient nos premières lignes avec des obus de gros calibres et bientôt le champ de bataille se couvrit de poussière et de fumée : « on n’y voyait pas à trois pas » déclarait un soldat.
Jusqu’à 18 heures, la 9e compagnie demeura ainsi dans la tranchée Stop. Des patrouilles furent alors envoyées en avant pour faire la liaison, avec les troupes d’assaut (3e, 5e et 10e compagnies).
A 18 h 15, le chef de bataillon donnait l’ordre à la 9e compagnie, d’envoyer deux sections renforcer la 10e compagnie qui venait de se replier et qui était incapable de tenir seule sa position. Lorsque ces deux sections arrivèrent, elles trouvèrent la tranchée à peu prés vide. A gauche, le même mouvement avait été exécuté par la 6e compagnie (mise à la disposition du commandant Coste, 3e bataillon).
Cette compagnie sous les ordres du lieutenant Pettorelli, quittait Assevillers à 15 heures, et arrivait dans la tranchée Stop à 18 heures, sous un bombardement d’une extrême violence. Les hommes furent admirables de courage et de sang-froid. Le lieutenant Pettorelli put rendre compte que, sur 185 hommes, 179 étaient arrivés pleins d’entrain à la tranchée Stop. Immédiatement le lieutenant Pettorelli reçut l’ordre d’envoyer reconnaître en avant les troupes occupant la tranchée du Sansonnet et de contre-attaquer l’ennemi s’il avait repris pied. Le lieutenant Foujanet partit avec la 1re section ; il atteignit la tranchée, s’y installa et l’organisa ; les autres sections l’y rejoignirent bientôt.
L’occupation fut sérieuse et les liaisons s’établirent avec le 33e R.I.C. dans la tranchée du Calmont.
La 7e compagnie vint à 15 heures s’installer dans la tranchée Stop. Elle y fut soumise à un violent bombardement et eut en quelques minutes, 4 tués et 6 blessés. Vers 18 heures, la gauche de cette compagnie était à la route de Villers-Carbonnel, sa droite en liaison avec la 6e compagnie. En fin de journée, la situation était donc la suivante : La 1re compagnie sénégalaise, la 3e compagnie, la 3e compagnie sénégalaise et la 10e compagnie ont atteint et même dépassé leurs objectifs, mais y sont revenues.
La tranchée, à peine gardée par les éléments restant des compagnies d’attaque est occupée vers 18 heures. Nos pertes sont assez sérieuses, mais on a tué du Boche.
La 5e compagnie (capitaine Balesi) passa la journée du 14 dans un ravin au nord de Belloy-en-Santerre et ne fut pas engagée.
Le 15, à 6 h 15, les 5e et 7e compagnies (2e bataillon) regagnent Assevillers ; la 6e reste à la disposition du commandant Coste pour l’aménagement du terrain conquis.
Le bombardement est continu ; les hommes tiennent héroïquement sous une pluie de fer et repoussent toutes les contre-attaques ennemies. Le lieutenant Pettorelli est grièvement blessé à la tête. A 17 heures, la 7e compagnie monte en soutien dans la tranchée de Souville.
Les journées des 16, 17 et 18 octobre sont encore très dures.
Le 17, le bombardement est particulièrement intense. Des rassemblements sont signalés dans le ravin d’Horgen, mais aucune action n’a lieu.
Le 18, une contre-attaque ennemie se déclenche dans le secteur du 33e R.I.C. (tranchée des Annamites). La 5e compagnie est immédiatement alertée et reçoit l’ordre d’arracher la tranchée des Annamites à l’ennemi. Mais le 33e R.I.C. a réussi une brillante contre-attaque et l’action de la 5e compagnie devient inutile.
Le 20 octobre, le 3e bataillon est relevé par un bataillon du 42e R.I.C.
Les pertes du régiment, pendant la bataille de la Somme, furent les suivantes : Officiers : tués 5 ; blessés : 12 ; disparus : 2. Troupe : tués : 118 ; blessés : 378 ; disparus : 48. Total : 173 morts et disparus.
La 10e compagnie fut citée à l’ordre de l’Armée dans les termes suivants :
« Au combat du 14 octobre 1916, brillamment enlevée par son chef, le capitaine Loubon, la 10e compagnie a atteint, en un superbe élan, sous un tir de barrage d’une intensité inouïe, tous les objectifs qui lui avaient été assignés. A fait preuve d’une endurance et d’une énergie au-dessus de tout éloge, en s’organisant et se maintenant sur les positions conquises, malgré des pertes énormes et un flanc découvert. »
Source : Historique du 52e Régiment d’Infanterie Coloniale, Librairie Chapelot – Paris
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