La Manœuvre de NICH
Le 2 Octobre, les chevaux reposés, le 1er Chasseurs en avant-garde pousse jusqu'à KUMANOVO sans difficulté. Le 3, il « reprend la marche en direction de VRANJA, au milieu des Troupes serbes qui s'écoulent rapidement vers le Nord, emportant sur d'innombrables véhicules leurs approvisionnements et leur matériel. Le spectacle pittoresque présente l'aspect de la migration de tout un peuple. Un ordre relatif règne cependant dans l'ensemble. Aucun cri, la foule s'écoule sans à coups. Ceux qui s'arrêtent quittent la route pour se reposer. Notre colonne progresse facilement dans les intervalles. »
« Vers 11 heures, à hauteur de LERAN, la tête de la Division du DANUBE est arrêtée et s'engage contre une ligne de résistance constituée par un gros détachement austro-allemand pourvu d'Artillerie (IXe Corps autrichien ramené de RUSSIE). »
« La Brigade restée en deuxième ligne, s'arrête en formation diluée dans la plaine. Il pleut et le temps est très frais, impossible d’allumer du feu. »
« Le combat paraissant se développer de plus en plus, des reconnaissances sont envoyées vers l'Est pour chercher un cheminement permettant de déborder l'aile gauche ennemie ».
Une fois de plus, les Chasseurs, par un mouvement tournant, vont déborder les arrière-gardes adverses. »
« Au soir du 6 Octobre, l'ennemi est en pleine déroute. L'Infanterie serbe. (Division de la DRINA) le poursuit droit sur VRANJA, sa Cavalerie sur la gauche, tandis que la Cavalerie Française a mission d'atteindre l'objectif par les montagnes au Nord de SURDU LITZA ».
Les avant-gardes ramassent de plus en plus de prisonniers mais la pluie ralentit la marche, ainsi que les « Tirailleurs embusqués » (on ne parle pas encore de snipers). VLASOTINCE est atteint le 8 Octobre. Les chevaux ont à peine bu et mangé depuis trois jours. Les renseignements indiquent qu'une résistance allemande appuyée sur la rivière NISSAVA se prépare autour de NICH, avec des renforts arrivés de RUSSIE et de BULGARIE. Pour l'empêcher de se concentrer, la Brigade de Cavalerie se scinde en trois détachements qui vont maintenir leur menace sur un large front. Le 1er Chasseurs en fournit deux, sous les ordres du Lieutenant-colonel De BOURNAZEL et du Commandant FAURE.
Partant de VLASOTINCE le 8 Octobre, ils vont, une fois de plus, opérer par des pistes de montagne pour surprendre l'ennemi par ses arrières. Une Brigade allemande venue de BULGARIE a son gros à PIROT et sa tête à BELLA-PALANCA. Elle se présente donc à découvert sur son flanc Sud.
Le détachement FAURE envoie des reconnaissances à BELLA-PALANCA. Elles sont accueillies par une fusillade nourrie, mais gardent le contact si bien que les Allemands évacuent la ville. Le Commandant FAURE est tué et remplacé par le Capitaine De JOANNÈS.
D'autres éléments du détachement occupent PIROT (15 Octobre) pendant que la Brigade allemande entame son repli.
Pendant ce temps le Lieutenant-colonel De BOURNAZEL s'attaque aux arrière-gardes de l'Armée Von MACKENSEN qui se regroupent sur NICH et renseigné par les habitants, tente un coup de filet sur le village de MILUKOVCE.
« Le 10 Octobre à 11 heures 30, la présence de l'ennemi est confirmée par la patrouille de pointe du Lieutenant SALVELLE. Malheureusement, au lieu de faire l'enceinte patiemment en encerclant le village, cette patrouille, n'apercevant aucun mouvement dans la cuvette où se cachent les maisons dispersées du village, se jette sur les premières maisons pour obtenir tout de suite un renseignement précis. Le Brigadier PUECH, connu pour sa bravoure, pousse au galop sur la première maison, saute à terre et veut pénétrer dans la maison. Une balle, tirée de l'intérieur à bout portant, le frappe en pleine poitrine. Les Allemands se jettent sur lui, l'achèvent et emmènent son cheval avec le Cavalier qui se trouvait à côté. Le 2e Éclaireur a eu le temps de s'échapper sous un feu nourri de balles de mitrailleuses tirées d'une maison qui domine la piste. Le coup de filet est manqué et les Allemands ont le temps de fuir pendant que les 2e et 3e Escadrons s'efforcent d'encercler le village par les hauteurs boisées très difficilement praticables qui l'entourent.
Cependant, en arrivant sur la route de l'autre côté de MILUKOVCE, le Lieutenant De VILLENTROYE, qui a dû mettre son Peloton à pied, aperçoit des voitures à bœufs conduites par des Serbes et convoyées par deux Allemands. L'occasion est bonne. Il dévale la pente avec quelques Chasseurs, ce que voyant, les Serbes, sans hésiter, sautent sur leurs convoyeurs, les désarment et les livrent aux Chasseurs. Ce sont deux ouvriers que les Allemands ont abandonnés : l'un, petit et gros, est tailleur de son métier ; l'autre, grand et maigre, bottier. Territoriaux venus du front russe, ils ne se doutaient pas que les Français « avançaient si vite ».
« La capture était excellente pour assurer l'entretien de nos culottes et de nos bottes déjà fortement endommagées. C'étaient, du reste, deux joyeux drilles, qui portaient sur leur cœur, à côté du portrait de leur famille, des cartes postales que la morale réprouve ». Le lendemain, le détachement découple ses reconnaissances pour reprendre le contact perdu la veille au soir. « Un messager serbe est envoyé, moyennant une paire de chaussures, au Général Commandant la Brigade de Cavalerie pour le tenir au courant de la situation. Le Régiment est parvenu en effet au rebord d'une large cuvette dont la bordure Nord est tenue par l'ennemi avec une Artillerie nombreuse de différents calibres ».
L'Armée serbe est arrêtée devant NICH et ses derniers éléments à l'Est sont en liaison avec les Chasseurs, sur le rebord de cette large plaine de GADZIN AN. Après une brillante attaque de l'Infanterie serbe, les Allemands sont refoulés de NICH et abandonnent toute leur ligne de défense le 12 Octobre. Aussitôt le 1er Chasseurs entame son mouvement d'enveloppement au cours duquel, le 16, il dépasse largement les avant-gardes serbes et atteint KNIAJEVATZ.
« La descente sur la ville s'effectue en trois colonnes pour éviter une surprise ; la route en effet, se déroule en lacets multiples à travers un chaos de crêtes dominantes à courte distance et favorables à un guet-apens. Des détachements appuyés par la Section de Mitrailleuses BERGES suivent la ligne de faîte pour déborder sans arrêt toute tentative de barrage. Mais l'ennemi est démoralisé. Pendant que les habitants font aux Chasseurs un accueil triomphal, les derniers occupants de KNIAJEVATZ s'enfuient des casernes sans attendre les Cavaliers d'avant-garde, après avoir tenté de brûler les ponts de bois de la ville. Les Escadrons poussent au-delà de ZUNICJE, où le Régiment s'établit en surveillance jusqu'à 17 heures en attendant l'arrivée des Spahis. Dans tous les villages échelonnés de la route de ZAJECAR, les meules de foin sont en flammes, les habitants apportent généreusement des provisions aux Français. »
« A KNIAJEVATZ, la population, presque sous les mitrailleuses allemandes, s'était précipitée Drapeau déployé pour couvrir de fleurs nos hommes et nos chevaux ». Après un jour de repos, le Régiment repart le 18 Octobre sur ZAJECAR, dernière ville avant le DANUBE.
« Ce n'est qu'à courte distance de la ville que les Escadrons du 1er Chasseurs, fractionnés en trois colonnes de part et d'autre de la route, se heurtent à un barrage de postes retranchés munis de mitrailleuses. »
« Le Régiment, ne disposant que d'un canon de 37, fait appel à l'Artillerie serbe qui met, vers 16 heures, deux pièces en batterie sur une crête dominant les Tranchées allemandes. »
« A gauche, le 1er Escadron (Capitaine JOANNÈS) progresse vers les hauteurs de KRALIEVICA ; l'Artillerie soutenue par une Section de Mitrailleuses et le canon de 37, prépare l'attaque des Tranchées qui doit être fournie par les 2e et 3e Escadrons appuyés par la Section de Mitrailleuses (PÉRIGOIS). Les Allemands reculent et viennent occuper l'hôpital et l'école d'agriculture, qui forment deux avancées solides, battant de leurs feux tout le terrain environnant. Le temps est couvert, la nuit vient. »
« Pour éviter un combat de rues dans la nuit, le Général prescrit de suspendre l'attaque jusqu'au jour. Les Allemands profitent de cet arrêt pour retirer à la faveur des ténèbres, leurs derniers défenseurs par la voie ferrée de BOR ».
« Nos patrouilles entrent, le lendemain 19 au petit jour, dans ZAJECAR abandonné ; les Régiments les suivent quelques instants après. La ville est intacte, seule la gare porte des traces de destruction peu importantes du reste.
« La pointe hardie poussée sur KNIAJEVATZ et ZAJECAR a détaché complètement la Cavalerie de la 1re Armée serbe. Infanterie et Cavalerie serbes sont encore sur la ligne ALEXINATZ - SOCOBANIATZ, où elles luttent contre les gros ennemis qui s'efforcent d'arrêter leur avance rapide ».
Une fois de plus la manœuvre de débordement a pris un temps d'avance sur l'attaque frontale, qu'elle va faciliter. Pour reprendre la liaison avec les Serbes, le Général JOUINOT-GAMBETTA envoie jusqu'au 20 Octobre des patrouilles qui se heurtent à des éléments allemands encore agressifs, mais dont les mouvements ne sont plus coordonnés.
Source Historique du 1er Régiment de Chasseurs d’AFRIQUE