Formé le 6 juin à Cercottes, le 10e Bataillon sous les ordres du chef de Bataillon DARNEY, comprenait les 328e, 329e et 330e Compagnies, commandées par les capitaines BOITOT, DOLLOT et CHACHIGNON. Après une période d'instruction à Cercottes, le Bataillon arrivait avant la fin de juin à Bourron, en repartait le 15 juillet pour Mailly-Poivres, d'où le 25 il était mis en route vers la région de Villers-Cotterets, prêt à combattre moins de deux mois après sa création.
Arrivé le 27 à Silly-la-Poterie où il cantonna deux jours, il gagnait ensuite ses positions de départ successives, ne cessant de se préparer au combat par les reconnaissances de ses officiers et le travail acharné de tout son personnel sur un matériel perçu depuis peu de temps pour que des révisions et des mises au point ne fussent pas constamment nécessaires. Tout ce la dans une région fortement bombardée et que l'ypérite rendait même dangereuse.
Les trois Compagnies arrivèrent à leur emplacement de départ, dans les environs du Grand-Rosoy, la veille de l'attaque, ayant trouvé l'énergie nécessaire pour résister aux périls connus et aux fatigues endurées.
Elles devaient marcher sur le point dit Orme du Grand-Rosoy. Malgré l'énergique défense des Allemands, la masse des moyens de destruction employés contre les chars, les objectifs étaient atteints et même dépassés. Partout le courage et l'acharnement des combattants de l'A.S. surmontent ces dangers qu'ils bravent.
Une citation à l'Ordre de l'Armée devait être la juste récompense de cette journée à la fin de laquelle on comptait :
1 officier, 3 sous-officiers, 5 hommes tués.
2 officiers, 18 canonniers blessés.
Qu'il soit permis au passage, de souligner quelques-uns des actes de bravoure qui se sont accomplis pendant le combat. Leur simple évocation servira d'hommage aux braves qui les ont à leur actif.
Le char du maréchal des logis CORNET est atteint par un obus et prend feu. Le courageux sous-officier parvient à se dégager ; on peut le voir ramper sur le sol, et après de multiples difficultés, regagner ses lignes portant sur ses épaules son conducteur grièvement blessé et sans connaissance.
A son tour, le lieutenant HUGUES, seul survivant de sa section, part à l'attaque, il ira de l'avant jusqu'à ce que, cible de tous les engins de l'ennemi, il soit enseveli sous les décombres de son char avec le soldat PERRICHON, son conducteur.
Ramené à l'arrière, le Bataillon est embarqué le 6 août à Longpont et arrive le même soir à Moyenneville (Oise) afin de participer avec le 28e et le 154e Régiments d'infanterie aux attaques du 9 au 10, en effet, il reçoit l'ordre de gagner les positions de départ. La 328e Compagnie doit attaquer le bois de la Tache, une fraction de la 329e Compagnie appuiera le 154e R.I. avec comme objectif le bois du Couteau, l'autre moitié aidera le 28e R.I. sur la route Méry – Ressons pendant que la 330e s'élancera sur le bois de Ressons, sur Ressons-sur-Matz et Neuville-sur-Ressons.
Un brillant succès couronne l'attaque, les sections dépassant bientôt leur infanterie et atteignant, malgré la violence des barrages d'artillerie et le grand nombre de trappes camouflées, tous leurs objectifs avant l'heure fixée.
Intérieur d'un Saint-Chamont
On eut ce jour-là à déplorer la mort du capitaine BOITOT, de la 328e et de plusieurs sous-officiers tués par le même obus pendant qu'ils procédaient au dépannage d'un char renversé dans la tranchée conquise. Parmi eux se trouvait le maréchal des logis BONNARD qui répondit au lieutenant RAYMOND ces simples mots : « C'est pour la France »!; Le lieutenant RAYMOND prenait en fin de journée le commandement de la Compagnie.
Sa mission une fois remplie, le Bataillon gagne le camp Mailly. Il y reste jusqu'au 21 septembre, et de là est dirigé surles abris Roques, près de Souain, pour participer dans le secteur de Champagne à l'offensive qui se dessine. Les journées du 23, 24 et 25 furent employées aux reconnaissances et aux préparatifs de combat. Dans la nuit du 25 au 26, les Compagnies se portent, la 328e au nord deSouain, la 329e à l'ouest du Moulin. Le 26, à 6 heures, l'infanterie part à l'assaut suivie des chars, ceux-ci ne devant entrer en action que pour la conquête de la dernière tranchée de la première position et pour faciliter la descente sur la vallée de la ......
Durant cette journée du 26 septembre, une nouvelle page de gloire est inscrite sur le livre d'or du 10e Bataillon, grâce à la généreuse ardeur de ses soldats. Une section de la 328e, sous les ordres du maréchal des logis ........., attaque des positions fortement organisées et succombe presque entièrement sous le tir des canons anti-tanks. Deux autres sections, commandées par les maréchaux des logis ASSIÉ et MAGNIER, continuent l'attaque malgré leurs lourdes pertes et facilitent grandement la progression des fantassins. Le maréchal des logis ASSIÉ trouve là une mort glorieuse.
De son côté, le maréchal des logis COUTANT attaque seul les positions ennemies par suite de la destruction successive de trois chars ; ce fait d'armes lui valut la Médaille militaire. L'attaque se poursuivit sans relâche du 26 septembre au 3 octobre ; les pertes furent lourdes en hommes et en matériel, mais tous les objectifs successivement désignés étaient atteints. Le 5, l'infanterie rencontrant une forte résistance aux ouvrages de Blanmont, les débris de la Compagnie reconstitués forment une section sous les ordres du maréchal des logis MOUTET et refoulent l'ennemi jusqu'à Machault.
La 329e Compagnie qui, durant la journée du 26, n'avait pas eu à intervenir doit le lendemain prêter son concours à l'infanterie arrêtée devant la tranchée de Mannheim par le tir des mitrailleuses. Elle aide l'infanterie dans l'accomplissement de cette tâche. Elle est chargée, le 29, d'aider à la progression vers la Py avec une section. Cette section, ayant à franchir un glacis complètement découvert, est prise à partie par une pièce anti-tank et détruite avant d'arriver à la route parallèle à la vallée. Presque tout le personnel peut échapper à temps des chars immobilisés, s'abriter dans les tranchées voisines et rejoindre nos lignes.
Le 29, la section ROUSSEAU-PORTALIS est appelée pour permettre le franchissement de la Py. Cette section avant d'avoir pu se mettre en position est prise à partie par les pièces anti-tanks et sans pouvoir faire oeuvre utile, quatre de ses chars sont démontés et le cinquième immobilisé.
Le sous-lieutenant ROUSSEAU-PORTALIS, blessé en se défendant énergiquement, est fait prisonnier, ainsi qu'un brigadier qui, son char détruit, cherchait à regagner nos lignes. Un seul homme parvint à rejoindre dans la nuit. Le canonnier LEPORCQ, deux fois blessé dans le combat. Les cinq autres gradés et canonniers avaient payé de leur vie leur héroïque tentative. Ces braves méritent que leur nom reste dans le souvenir de leurs camarades.
Ce sont le brigadier MATHON, les canonniers GROLLET, LATREILLE et KERIBIN, auxquels doit se joindre le caporal LIBAUT du 407e qui, connaissant la mitrailleuse, s'offrit pour remplacer un chef de char blessé avant l'attaque et tomba glorieusement au Champ d'honneur. La 330e, de son côté, avait fait un bond de deux kilomètres et apporté une aide puissante aux fantassins qui prenaient position, le soir du 27, sur la Py.
Le 3 septembre, les restes du Bataillon avec ceux du 11e attaquaient en vain sur l'ouvrage dit Chapeau-de-Gendarme au-delà de la Py.
Le 8, les deux bataillons, réduits à une seule Compagnie, sous les ordres du commandant DARNEY progressaient devant la 7e Division de l'Aisne, aux lisières du village de Coucy, permettant à cette Division une avance de trois kilomètres dans les positions ennemies. A la suite de la coopération, le 10e Bataillon rentrait au camp de Poivres où l'armistice le trouvait reconstitué et prêt à partir.
De formation toute récente, composé de troupes et de cadres chez qui la volonté de bien faire aidait à l'entraînement qui faisait peut-être défaut, le 10e Bataillon a su vaincre tous les obstacles et surmonter toutes les fatigues ; son entrain et son esprit de sacrifice avaient suffi à en faire une troupe solide et aguerrie. Et la meilleure attestation réside dans le rappel des graves et fières paroles par lesquelles ses chefs l'ont remercié de ses efforts.
Source : Historique du 504e Régiment A.S. Ch. Legrand et Mme Granger – Valence - 1920
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