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Les obsèques de Marcelle et Lucien Lapie, enfant de huit et trois ans, tués par les bombes allemandes à Fontenay-sous-Bois, dans la nuit du 30 au 31 janvier 1918.
Leur père arrivant en permission, heureux de les serrer dans ses bras, ne put que les ensevelir.
Il fallait à Paris, néanmoins, un assez beau ressort moral pour montrer ce clair visage. Il respirait une atmosphère chargée de menaces, ses nuits troublées par les incursions aériennes des escadrilles ennemies, et, le jour, servant de cible lointaine au canon géant braqué dans la région de Laon. Quelques étapes de uhlans séparaient seules les lignes allemandes de ses boulevards. Depuis le 22 mai 1915, il avait perdu le souvenir des « taubes », apparus pour la première fois dans le ciel le 30 août 1914. Les zeppelins ne l’avaient occupé que du 21 mars 1915 au 29 janvier 1916. En décembre 1917, il attendait les Gothas. Ils vinrent dans la nuit du 30 au 31 janvier 1918. Jusqu’au 14-15 septembre, il laissèrent tomber sur la ville 295 projectiles, 326 sur la banlieue, 43 sur la grande banlieue. Le 24 mars la « Bertha » * faisait ses débuts, intriguant la population jusqu’au soir, quand le communiqué de cinq heures révéla, au milieu, d’ailleurs, de l’incrédulité à peu près générale, l’origine et les particularités balistiques des mystérieux projectiles tombés on ne sait où, à partir de 7 heures du matin. Elle devait se taire le 9 août. Entre temps elle avait fait des victimes : 256 tués, 612 blessés ; pas de combattants, naturellement : des vieillards, des enfants, des femmes pour la plupart ! L’attaque aérienne nocturne du 30 au 31 janvier 1918 fut de toutes la plus sanglante. Paris n’était pas tout à fait prêt. Outre que la nuit était extrêmement lumineuse, il avait gardé trop de lumières. Les barrages de sa défense étaient trop faibles. Ses gardiens, les avions du Bourget, ne purent réaliser tout ce qu’on avait attendu, à l’excès de leur rôle. Les Gothas lâchèrent cette fois sur la ville 91 bombes ; 2 de 300 kilos n’éclatèrent pas. Il y eut 51 morts et 204 blessés dans l’agglomération parisienne. Au matin, le soldat Lapie, un permissionnaire du 118e d’artillerie, arrivait heureux, pour dix jours, auprès de sa femme et de ses deux enfants : Marcelle, 8 ans, Lucien, 3 ans. Dans le train de banlieue qui l’amenait à Fontenay-sous-Bois où il avait son foyer, des conversations de voyageurs l’instruisirent : sa maison écrasée ; Marcelle, Lucien, morts ; sa femme à l’hôpital, le bras gauche arraché, une jambe broyée. La guerre avait toujours exigé que des enfants pleurent leur père. Mais il avait fallu la guerre à l’allemande pour que des pères vinssent du front ensevelir leurs enfants assassinés !
* La grosse Bertha (obusier d’une portée de 12,5 km) est confondue avec le canon de Paris
http://html2.free.fr/canons/bertha.htm
http://html2.free.fr/canons/canparis.htm
Sources : l’Illustration
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