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LA MARNE
Dès le calme un peu rétabli dans les Vosges, le bataillon est transporté en chemin de fer dans la Marne. Après trois jours de marche forcée, le 8 septembre il arrive au camp de Mailly. Le spectacle des petits bois rabougris, défrichés, des vallonnements peu accentués étonnent nos chasseurs habitués aux montagnes des Vosges. Après la grande halte, le bataillon se trouve soudain au contact de l’ennemi. Immédiatement, il prend ses formations de combat et monte à l’assaut des hauteurs dénudées dominant la ferme de Montmarin, d’où l’ennemi dirigeait sur lui un feu nourri. Les Allemands, croyant n’avoir devant eux que des troupes fatiguées, furent surpris par la vigueur de l’attaque et lâchèrent pied. Le soir, le bataillon avait avancé de deux kilomètres et couchait sur ses positions. Le lendemain 9 septembre, le bataillon continue d'avancer en attaquant dans la direction du signal de l'Ormet, hauteur qui domine tout le camp. A 16 heures, le signal est atteint. Le 10, l'attaque reprend ; l'ennemi continue à céder à l'impétuosité de nos attaques et, en fin de journée, le bataillon borde la voie ferrée de part et d'autre du passage à niveau de Sompuis. L'ennemi a reçu des renforts ; il croyait qu'après les fatigues de trois journées de combats, la surveillance de nuit serait moins vigilante. Un régiment de la Garde saxonne s'avance sans bruit vers 23 heures, croyant surprendre le bataillon et le rejeter facilement au-delà des crêtes de l'Ormet. Mais au passage à niveau, le sergent Colas, de garde avec sa section, les a aperçus et se porte en avant pour éviter toute surprise. Dès qu'il est bien persuadé qu'il a affaire à des ennemis, il crie: "Tirez, ce sont aux, je les vois !" Immédiatement, l'alerte est donnée et la voie ferrée, en chaussée à cet endroit, est couverte de tirailleurs qui, par un feu nourri, arrêtent la première attaque allemande. Les Allemands ne se tiennent pas pour battus ; ils se reforment à l'arrière, reprennent l'offensive et parviennent à s'installer de l'autre côté de la voie ferrée. L'adjudant-chef Bonhotal, voyant le danger, se porte avec quelques chasseurs dans la maison du passage à niveau et, prenant d'enfilade la voie ferrée, tire comme à la cible sur les Allemands en tirailleurs, dont les silhouettes blanches se détachent très bien au clair de lune. Le lendemain matin, il n'y a plus d'allemands vivants devant nos lignes, mais par contre, de nombreux cadavres jonchent le sol. Le bataillon a fait une vingtaine de prisonniers.
Devant l'échec de leur tentative, les Allemands rompent le contact et battent en retraite vers le Nord. Au bout de trois jours de marches forcées à travers les plaines de Champagne, le contact est repris entre Suippes et Souain. Le bataillon est épuisé par les efforts fournis et les pertes subies ; il est réduit de quatre compagnies et s'organise sur place en attendant des renforts. L'ennemi, s'apercevant de notre inaction, veut en profiter pour reprendre des positions dominantes dont nous nous sommes emparés. Le 26 septembre, une formidable préparation d'artillerie met hors de combat 85% de l'effectif de la 2ème compagnie et du peloton de la 1ère compagnie en ligne. Les tranchées, à peine ébauchées à travers champs, n'offrent pas un abri suffisant contre cette canonnade qui démolie tout. L'artillerie ennemie tire comme à la cible sur notre tranchée, dont la trace blanche est visible de fort loin. Malgré tout, les chasseurs tiennent ; trois attaques d'infanterie se brisent devant la volonté héroïque des survivants de ne pas céder un pouce de terrain. L'ennemi cesse ses attaques par suite de l'énormité de ses pertes et s'organise devant nos positions ; une nouvelle ligne blanche court parallèlement à la notre. Le front se stabilise.
Source : Historique du 21e Bataillon de Chasseur à Pied, Librairie Chapelot, 136 Boulevard Saint-Germain, Paris, Imprimeries Réunies de Nancy. Nancy, Paris, Circa 1920
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