PATROUILLE. Et voici un des termes le plus souvent compris à contre-sens : c'est celui de « patrouilles » ! Combien de sottises ont été dites au sujet de celles-ci, et que d'exploits imaginaires !
A Soissons, après le malheureux combat de Crouy, en janvier 1915, les Allemands sont venus patrouiller sur notre nouveau front de repli. C'était la nuit, nuit absolue, sans lune. Rampant de fossé en fossé, d'arbre en arbre, ils parvinrent au pied des murs du château de Saint-Pol derrière lesquels nos hommes guettaient. Là ils s'amusèrent à s'emparer de quelques képis et à essayer d'arracher les lebels des créneaux. Nos mitrailleuses ouvrirent le feu et nous débarrassèrent de leur présence. Mais il faut bien le dire : leur mission était accomplie, car ils savaient maintenant à quel régiment ils avaient affaire et quelles étaient nos positions.
Pourquoi ont-ils réussi? Parce que, tout d'abord, entre les positions françaises et allemandes il y avait une distance de 700 à 800 mètres ; parce qu'ensuite la nuit (pluie fine et grand vent) était éminemment favorable pour ce genre de petites opétions. Ce sont là deux conditions sine qua non pour réussir une « patrouille ». . Aussi, sur les trois quarts du front actuel où 5o mètres à peine, souvent moins, séparent les deux tranchées, toute patrouille, même nuit, est absolument impossible, et c'est là une chose que l'on ne sait pas assez généralement.
Qu'on ne vienne donc plus soutenir que des patrouilles d'amateurs héroïques peuvent impunément circuler entre les lignes. Pareille chose n'est humainement possible que lorsque la distance qui sépare cellesci est supérieure à 150 mètres environ et quand la nuit est particulièrement obscure.
Source Article anonyme ‘Lectures pour tous’ du 1er mai 1916
Photo 'Guerre Documentée'